L'HISTOIRE

J'ai cru voir une fée courir le long de la colline, sa silhouette faisait le funambule sur le bord de celle de la montagne, ça m'a énervé, j'ai jeté tout ce que j'étais en train de faire, je n'aime pas qu'on touche à ma montagne.

Les petits couraient sur le sable, y'avait leurs rires qui frappaient les rochers jusqu'à les briser. (Et mes oreilles se brisaient aussi.) Puis y'avait un idiot sur son bateau qui donnait à manger aux oiseaux. Il se croyait grand et beau et moi ça me tuait parce que j'étais assis sur le sable tout recroquevillé dans le froid à me demander ce que je faisais là.
C'était beau sinon.

Personne avait jamais vu une fille comme ça, j'ai encore posé la question aux autres hier et ils m'ont dit non, ils m'ont dit on avait jamais vu une fille comme ça. C'était le genre de fille dont tout le monde tombait amoureux, elle le faisait même pas exprès, c'était comme ça. D'abord c'était les garçons, et puis les filles, et puis les papillons, et puis les nuages, et puis la mer à nos pieds, et puis la montagne au-dessus de nous. Et puis moi.

J'étais toujours face aux vagues. Mais y'avait une fille, son corps était recouvert de sable, ou de paillettes d'or, je sais même pas. Elle était jolie. Elle m'a donné envie de rester là à la regarder jusqu'à ce que le soleil se couche sur sa peau (ou même que les étoiles viennent faire briller le sable qui était resté coller sur son dos). J'me voyais déjà passer ma main dessus, mais y a un garçon qu'est sorti de l'ombre (de celle de la fille d'or) et qui l'a fait à ma place.
Alors je suis parti.

Y avait des gens qui venaient et qui s'en allaient.
D'autres qui restaient et qui les regardaient faire.
À force, ils finissaient parfois par s'en aller aussi.
Mais y avait toujours, et pour toujours, la montagne, avec la mer autour d'elle et la grande maison à son sommet.
Et des gens pour raconter.